La fibromyalgie: le guide d'initiation en français

Couverture du Guide
          d'initiation à la fibromyalgie en français

J'ai eu l'honneur de traduire en français le Guide d'initiation à la fibromyalgie, édité par l'association espagnole pour la vulgarisation de la fibromyalgie (ADFM = asociación de divulgación de la fibromialgia).

Ce guide, de 90 pages, peut être téléchargé gratuitement sur le site de l'ADFM: http://fibro.info/fr/

Si je l'ai traduit, c'est parce que j'ai été impressionné par sa qualité pédagogique, sa vision pluridisciplinaire, et sa radicalité à ne se fier qu'à ce qui est vérifié scientifiquement et à ignorer les hypothèses plus ou moins incertaines voire fumeuses. Ce guide est le résultat d'un grand effort collectif, auquel ont contribué bénévolement un grand nombre de personnes très qualifiées.

Attention: la médecine progresse vite, et donc ce livre publié en 2015 dans sa version espagnole peut contenir quelques  éléments un peu obsolètes. En particulier, l'utilité de certains médicaments avait probablement été surévaluée, et on n'y trouve pas les dernières pistes en matière de neurologie ou de biochimie. Mais dans son ensemble, il reste parfaitement actuel.

Autre introduction utile

En 2020, l'INSERM a publié une page d'«expertise collective» sur la fibromyalgie, faisant le point sur les connaissances scientifiques en 2018 et sur les recommandations, à destination des professionnels. Outre le document à télécharger, un peu technique, on y trouve une animation de 3 minutes qui présente brièvement la maladie, la cause probable, et les conséquences. C'est une source d'informations particulièrement pertinentes, récentes, et en français.

La fibromyalgie en quelques mots

Remarque: je ne suis pas médecin, ces quelques indications ne constituent absolument pas des conseils médicaux!

Il s'agit d'une maladie fréquente (environ 2% de la population), caractérisée par des douleurs généralisées très intenses, ainsi que de multiples autres symptômes (fatigue intense, troubles du sommeil, confusion mentale), dont on ne connaît encore aucune cause physiologique. Il semblerait que les douleurs soient d'origine «centrale», c'est-à-dire provoquées par une réaction excessive du cerveau à de faibles sensations de douleurs. Comme beaucoup d'autres maladies peuvent provoquer des douleurs, seul un médecin qui peut valablement poser le diagnostic, et il n'évoquera probablement ce diagnostic qu'après avoir envisagé différentes autres hypothèses.

C'est une maladie qui peut lourdement handicaper les personnes et les empêcher de travailler. Les personnes qui en souffrent n'ont souvent ni l'envie ni l'énergie d'en parler, une exception est la chanteuse Lady Gaga, qui montre l'apparition de sa maladie dans le film «Five foot two» (en référence à taille, en réalité encore plus petite puisqu'il paraît qu'elle mesure 5 pieds et 1 pouce, soit 1,55m).

Elle touche des personnes de tous âges et sexes, mais plus souvent des femmes à partir de la quarantaine. Elle a clairement des causes physiologiques, comme l'illustre le fait qu'elle est plus fréquentes chez les femmes de petite taille que celles de grande taille (peut-être par manque d'hormone de croissance, qui favorise la réparation des muscles pendant la nuit?), et certainement aussi des causes psychosomatiques, comme l'illustre le fait qu'elle touche plus souvent des personnes très indépendantes, sensibles au sentiment d'injustice et ayant parfois subi des mauvais traitements.

Relation entre
        taille et prévalence de la fibromyalgie chez les femmes
        espagnoles
La fibromyalgie, bien plus fréquente chez les femmes de petite taille (étude en Espagne, 1998-1999)
More evidence on the dysautonomic nature of fibromyalgia: The association with short stature
Arthritis & Rheumatism, Volume 46, Issue 5 p. 1415-1416, 2002

On ne connaît pas les causes exactes, et on n'a que des hypothèses sur une éventuelle cause physiologique, telle qu'une infection, une intoxication, ou un dérèglement préexistant du système neurologique (par exemple neurovégétatif, ou une inflammation des cellules microgliales du cerveau comme le suggère une étude de 2018). Son nom est mal choisi: il signifie «douleur des fibres musculaires», mais la maladie ne semble pas liée aux muscles. On sait qu'elle se déclenche souvent à l'occasion d'un évènement difficile (accident, deuil, maladie, épuisement...).

Aux USA, elle est souvent rapprochée du syndrome de fatigue chronique (également connue comme «encéphalomyélite myalgique», en anglais ME/CFS pour myalgic encephalomyelitis/chronic fatigue syndrome”, caractérisé par l'épuisement intense provoqué par des efforts pourtant modérés, ce qui nécessite de faire des activités physiques de façon très progressive. Cependant on ignore s'il s'agit d'une même maladie pouvant prendre différentes formes (dominée par la douleur ou bien par la fatigue), ou s'il s'agit de deux maladies distinctes mais fréquemment associées. Mon impression (qui n'est qu'une simple opinion personnelle) est que le syndrome de fatigue chronique est un cercle vicieux provoqué par un évènement ponctuel tel qu'une infection et dont on se tire souvent d'affaire après des mois voire des années d'effort, et que la fibromyalgie est un ensemble de plusieurs cercles vicieux dont celui de la fatigue chronique, faisant que la guérison totale est encore plus longue (on dit souvent qu'elle est incurable, mais en réalité beaucoup de patients finissent par retrouver une vie tout à fait normale).

En France, sa réalité a longtemps été contestée par le monde médical, et les malades accusés d'êtres des fous ou des malades imaginaires (à cette époque, la psychiatrie française était encore influencée par la psychanalyse et ne cherchait pas à aider les «fous», ni les «malades imaginaires»), mais cette époque est heureusement révolue. En 2010, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié un «rapport d'orientation» sur la fibromyalgie chez l'adulte, et en 2020 l'INSERM a publié le site mentionné en haut de cette page ↑. Sa prise en charge administrative est souvent compliquée: à ce jour (en 2021), la fibromyalgie est exclue de la liste des 30 Affections de Longue Durée (ALD), mais les patients sont parfois reconnus en ALD «hors liste» (ALD 31), et ils peuvent en outre faire reconnaître le taux de handicap que provoque la fibromyalgie chez eux.

Un grand nombre de familles de médicaments ont été essayées, avec un bilan mitigé lorsqu'on évalue sérieusement leurs effets sur une longue durée. Il est admis que certains médicaments sont utiles, mais que ce n'est pas la réponse la plus utile, loin de là.

La prise en charge est compliquée et déroutante pour les médecins comme pour les patients, puisqu'on ne trouve pas de cause unique ni donc de réponse unique, et que les résultats sont souvent décevants. Il faut généralement combiner plusieurs types d'actions:

(*) Note sur le rôle du sommeil. Contrairement à certaines hypothèses formulées, il ne semble pas que le sommeil soit à lui seul la cause de la fibromyalgie, mais il a un rôle important, puisque le manque de sommeil (principalement du sommeil profond à ondes lentes) bloque la production d'hormone de croissance et la réparation du corps, et augmente les douleurs. Or les douleurs empêchent de dormir! Ce problème peut être compliqué et piégeux:


(**) Note sur l'aspect psychosomatique. On ignore le rôle exact de l'aspect psychosomatique dans la fibromyalgie. Précision: «psychosomatique» ne fait donc absolument pas référence à des maladies imaginaires, ni aux maladies dont l'origine est purement psychologique et sans réalité physique. On parle de maladie psychosomatique lorsque l'état psychologique d'une personne a un impact direct sur son état physique, par exemple l'ulcère d'estomac provoqué par le stress chronique.

La fibromyalgie ne fait visiblement pas partie des troubles anxio-dépressifs (les patients ne semblent pas plus anxieux que la moyenne), mais la psychologie semble y jouer un rôle important, ce qui a d'ailleurs pu contribuer au retard dans la prise en compte par le corps médical, car les médecins se sentent parfois injustement traités par les patients (et réciproquement).

La prise en charge psychologique se fait habituellement par thérapies comportementales et cognitives (les «TCC», longtemps décriées en France à cause de l'emprise des psychanalystes), et vise à modérer la réaction face aux émotions, à simplifier et équilibrer la communication avec les autres personnes, à détourner son attention de la douleur, à cesser de s'imaginer un avenir catastrophique mais plutôt à agir pour que la maladie recule, ou encore à contrôler son niveau d'anxiété. En somme, il s'agit que l'esprit adopte des positions plus modérées et adaptées aux circonstances.

Cette nécessité de retrouver une souplesse psychologique est en miroir avec la capacité d'adaptation également perdue par le corps: avec la fibromyalgie, le corps ne gère plus correctement son énergie mais utilise jusqu'à la toute dernière goutte au point de se retrouver en danger, il règle tous les capteurs de douleur à un niveau extrême de sensibilité, il ne régule plus bien la pression artérielle lorsqu'on se met debout, de même qu'il ne régule plus très bien la température corporelle.



À l'inverse de ce «guide d'initiation», des dizaines de pseudo-thérapies sont proposées aux patients, notamment en France où elles sont très populaires y compris dans la monde médical (la France héberge le leader mondial de l'homéopathie et reste un bastion de la psychanalyse, entre autres), et peuvent être utilement ignorées: les patients ont mieux à faire que perdre leur temps, leur argent et leur énergie avec des méthodes dont on n'imagine même pas par quel miracle elles pourraient avoir un effet bénéfique. Surtout que la maladie fait qu'ils manquent souvent peu de temps (besoin de repos fréquents), d'argent (à cause des difficultés pour travailler), et d'énergie (à cause de la fatigue chronique)! Lorsque les patients se soumettent à des pseudo-médecines, ils cultivent de faux espoirs et négligent de se soigner, quand bien même il ne s'agirait que de faire un peu de marche tous les jours et de conserver une bonne intégration sociale.

La recherche avance mais il reste beaucoup à découvrir. Chaque découverte aidera les malades à bénéficier de soins plus efficaces.


Mise à jour: un lien avec le «Covid long»?

Attention: ceci a été écrit à la fin 2020, à une date où on sait très peu de choses sur le Covid long.

Comme chacun sait, le Covid-19, ce «nouveau coronavirus» apparu en Chine fin 2019, est d'une gravité extrêmement variable, et plus agressif sur les personnes âgées, les obèses, les diabétiques, les hypertendus, et les hommes.

Cependant, certains patients conservent des symptômes handicapants pendant plusieurs mois, en particulier une énorme fatigue, alors que le virus a été éliminé de leur organisme.

Dans une partie des cas, il ne s'agit que des séquelles directes et assez logiques d'une forme grave du Covid, notamment avec un séjour en réanimation: lésions pulmonaires ou à bien d'autres organes sous l'effet direct du virus, de la réaction inflammatoire ou des troubles de la coagulation, perte musculaire et lésion aux cordes vocales chez des patients intubés, perte prolongée du goût et de l'odorat.

Mais d'autres cas, auxquels je m'intéresse ici, sont plus surprenants car il s'agit de patients qui, après une forme généralement peu grave du Covid, et alors qu'on ne détecte chez eux plus aucune trace physique de la maladie, restent épuisés, parfois incapables de reprendre leur travail malgré tous leurs efforts, à cause d'un processus qui pourrait être totalement différent du Covid lui-même. Outre la fatigue, ils parlent souvent d'un «brouillard mental», et de douleurs inexplicables. Consultez à ce sujet le site de l'association #ApresJ20 «Association Covid Long France».

De façon intéressante, les personnes souffrant de ces formes prolongées du Covid, ou «Covid long», peuvent avoir un profil très différent des patients qui ont des formes graves: dans le «Covid long», il semble s'agir plus souvent de femmes (alors que les hommes sont plus touchés par les formes graves du Covid), plutôt âgées de la quarantaine, très actives sur le plan personnel et professionnel, et sans problème de santé particulier. Ce profil majoritaire (qui reste à confirmer) est également celui de la fibromyalgie. Mais des patients de tous les âges et sexes sont touchés, et c'est l'une des raisons qui invitent à penser qu'il n'est pas raisonnable de «laisser circuler le virus», car les dégâts pourraient être considérables, y compris dans la population jeune et en bonne santé.

Ces cas sont étudiés avec attention. Bien sûr, le médecin va d'abord chercher toutes les causes physiques pouvant expliquer cette situation. Car il peut s'agir des conséquence directe du Covid même s'il avait semblé léger (comme une fibrose pulmonaire), ou d'une autre maladie indépendante du Covid. Mais souvent le médecin ne trouve rien. En majorité, la situation s'arrange après plusieurs mois, de façon inexpliquée, mais parfois elle persiste même après un an.

On ne peut s'empêcher de penser au «syndrome de fatigue chronique» (également nommé «encéphalomyélite myalgique»), dont l'élément déclenchant est souvent une maladie infectieuse, et qui ressemble beaucoup à la fibromyalgie, à la différence que les douleurs n'y sont pas autant présentes (ce qui, peut-être, facilite la guérison progressive, puisque la douleur elle-même provoque un épuisement physique et psychologique supplémentaire, et qu'elle encourage l'utilisation de médicaments qui aggravent encore la situation). Comme dans la fatigue chronique et dans la fibromyalgie, des patients précédemment sportifs et en pleine forme expliquent qu'ils sont très vite épuisés et que le corps ne supporte plus de dépasser un certain niveau d'effort (très bas), sous peine de voir leur santé dégradée pendant plusieurs jours.

L'espoir est donc que l'afflux de ces patients, dans le monde entier, faisant suite à une cause bien identifiée, et qui ont été suivis médicalement dès le début de leurs troubles, va permettre à la recherche médicale de mieux comprendre le processus du syndrome de fatigue chronique et de la fibromyalgie. En France, une étude nommée «Cocolate» (Coordination sur le Covid tardif [anglais: late]) a été lancée pour étudier des patients ayant un Covid long sans avoir été hospitalisés pendant leur Covid, à l'hôpital de Tourcoing.

Du fait que l'élément déclenchant est bien le virus du Covid et que celui-ci est suffisamment bien étudié pour que l'on puisse certifier qu'il n'est plus dans l'organisme, les patients ont beaucoup moins de risques que d'autres de se retrouver en errance médicale et de finir dans les mains de charlatans qui auront des théories toutes prêtes à leur fournir avant même de les avoir examinés. Car bien souvent, les personnes souffrant du syndrome de fatigue chronique se retrouvent avec un pseudo-diagnostic tel que «forme prolongée de maladie de Lyme» (*) (ou d'autres maladies), et embarqués dans un combat politique sur la manière de traiter la dite maladie, même lorsqu'il n'y a pas le moindre début d'indice qu'ils pourraient effectivement souffrir de cette maladie.

(*) pour la petite histoire, le principal militant de la «maladie de Lyme prolongée» en France est le Dr Christian Perronne, qui a été pour cette raison violemment vilipendé et traité d'incompétent et de complotiste par Didier Raoult en 2016... En 2020, renversement total, car Christian Perronne a embrassé les thèses pseudo-scientifiques et mensongères de Raoult sur le Covid et ses traitements dont l'inutilité est scientifiquement prouvée! Bref, ces deux individus sont à l'origine de beaucoup de malheurs.


Fait à l'aide du programme prehtml - Hébergement et statistiques: