«Nous sommes les autres Catalans»
traduction du texte d'un lecteur du journal El Periódico

En août 2017, alors que les nationalistes catalans espagnols montraient leurs muscles et tentaient d'imposer un «référendum d'autodétermination» à une majorité de Catalans qui n'en voulaient pas, sans respecter les règles en vigueur en Espagne ni même dans la région de Catalogne, un lecteur du journal El Periódico (grand quotidien de Barcelone, publié en espagnol et en catalan par l'éditeur Zeta) a publié un texte sur le site internet du journal, exprimant la révolte de la majorité des Catalans face au délire nationaliste de quelques-uns, très bruyants, très intolérants, et qui font fortune et basent leur carrière politique sur le nationalisme catalan, à grands coups de mensonges et de réécriture de l'Histoire.

En septembre 2017, alors que le parlement (conseil régional) de Catalogne avait adopté dans des conditions particulièrement antidémocratiques des textes préparant une éventuelle indépendance de la Catalogne, ce texte a été repris par de plus en plus de Catalans, qui en ont fait une sorte de manifeste. Il a été diffusé notamment à l'occasion de la «Diada» du 11 septembre 2017 (cette fête populaire catalane est devenue, depuis quelques années, une manifestation nationaliste annuelle; elle «célèbre» la défaite des derniers partisans du royaume d'Autriche à la fin de la Guerre de Succession d'Espagne, derniers partisans qui étaient retranchés à Barcelone, et elle sert la stratégie de victimisation utilisée par les nationalistes catalans espagnols).

Pendant très longtemps, trop longtemps, les Catalans non nationalistes n'osaient pas parler. Mais la pression nationaliste a fini par devenir véritablement insupportable, au point que les élèves ne puissent plus parler espagnol ou lire des livres en espagnol dans l'enseignement public, que l'Histoire soit grossièrement manipulée, que les médias nationalistes soient subventionnés sous prétexte d'aide culturelle à la langue catalane, que les personnes exposant un drapeau espagnol soient insultées, et que les personnes se disant catalanes et espagnoles se fassent traiter de «fascistes». Cette situation a commencé à changer avec l'apparition des courageux militants de Societat Civil Catalana, une association catalane anti-nationaliste, qui a osé prendre la parole en public, malgré les insultes et même les agressions subies de la part des «anti-fascistes» (autoproclamés) nationalistes.

Ce texte publié en espagnol a été trouvé tellement pertinent qu'il est devenu viral, mais je ne l'ai pas trouvé en version française, je me permets donc d'en faire une traduction.

Le texte a été publié initialement le 4 août 2017 sur la page «Entre todos» du journal El Periódico de Catalogne (en espagnol).

Cette traduction a été faite par mes soins le 12 septembre 2017

Traduction en français

Texte original en espagnol
(voir sur le site de El Periódico)

Les autres Catalans

Los otros catalanes

Le vendredi 4 août 2017 à 14:09

Viernes, 4 de agosto del 2017 - 14:09 h

Nous sommes les autres Catalans: ceux qui, quand nous allons à des manifestations, nous comportons comme des personnes civilisées, qui n'accrocherons jamais aucun drapeau à notre balcon (*); nous sommes tranquilles, tolérants, travailleurs, pacifiques, discrets, et amis de nos amis; nous recherchons la santé, l'amour et le travail, comme tout le monde; nous croyons en la famille et en l'effort personnel, et non en les cadeaux et les subventions pour réussir; nous aimons la paix et la liberté. Nous exécrons la corruption, la violence, l'abus de pouvoir, la manipulation et le mensonge.
(*) les nationalistes catalans espagnols accrochent souvent à leur balcon le drapeau «étoilé» qu'ils ont choisi comme symbole d'une Catalogne indépendante. Ce drapeau comporte les rayures rouges et jaunes (dites «barres de l'Aragon»), qui est le drapeau de l'Aragon et que la Catalogne a conservé lorsqu'elle s'est séparée de l'Aragon, sur lequel est ajouté un triangle jaune ou bleu comportant une étoile.
Somos los otros catalanes: los que cuando vamos a manifestaciones nos comportamos como personas civilizadas, los que nunca colocaremos ninguna bandera en el balcón; somos tranquilos, tolerantes, trabajadores, pacíficos, discretos y amigos de nuestros amigos; queremos tener salud, amor y trabajo, como todo el mundo; creemos en la familia y en el esfuerzo personal y no en la donación y subvención para conseguir las cosas; amamos la paz y la libertad. Aborrecemos la corrupción, la violencia, el abuso de poder, la manipulación y la mentira.

Nous sommes bilingues sans complexes: nous «zappons» de langue sans aucun problème, et le film que nous avons vu hier, nous ne nous souvenons plus dans quelle langue nous l'avons entendu (catalan ou espagnol).
NB: l'espagnol et le catalan sont des langues très proches (l'espagnol a plus de mots d'origine arabe, le catalan a une grammaire issue de l'occitan, et les expressions des deux langues sont presque identiques). Les locuteurs catalans comprennent l'espagnol, et les locuteurs espagnols comprennent le catalan (au moins après quelques jours de familiarisation). La majorité des Catalans parlent parfaitement et indifféremment les deux langues, mais il y a aussi des personnes âgées qui ne parlent pas l'espagnol (surtout à la campagne), des jeunes qui le parlent et l'écrivent imparfaitement (ne l'ayant pratiqué que 3 heures par semaine à l'école publique), et des Catalans originaires d'autres régions ou d'autres pays qui ne parlent pas le catalan (ce qui peut les bloquer professionnellement).
Somos bilingües sin complejos; hacemos 'zapping' sin problemas por todas las opciones y la película que vimos ayer ya no recordamos en qué idioma la oímos (catalán o castellano).

Nous aimons le sport et nous encourageons de la même façon Nadal (1), Ferrer (2), Lorenzo (3), Alonso (4), le Barça (5), l'Español (6) et la Sélection (7), et cela nous est égal si le goal est mis par un catalan ou un joueur de la Manche (8) quand nous jouons pour la Coupe d'Europe ou pour le Mondial. Et par respect, nous ne sifflons pas l'hymne espagnol, ni aucun autre.
(1) Rafael Nadal, joueur de tennis originaire des Baléares (archipel constituant une région distincte de la Catalogne et dont la langue majoritaire est le catalan; «Nadal» signifie «Noël» en catalan)
(2) David Ferrer, joueur de tennis originaire de la région de Valencia (région distincte de la Catalogne, où le catalan est très pratiqué, même si certains préfèrent le nommer «valencien» plutôt que «catalan»)
(3) Jorge Lorenzo, pilote de moto originaire des Baléares
(4) Fernando Alonzo, pilote de formule 1, originaire des Asturies (côte nord de l'Espagne)
(5) Football Club Barcelona: l'une des deux grandes équipes de foot de Barcelone
(6) Real Club Deportivo Barcelona (club royal sportif de Barcelone), ou «Espanyol» en catalan: l'autre grande équipe de foot de Barcelone. Le nom de ce club très populaire, créé en 1900, est une épine dans le pied des nationalistes catalans!
(7) l'équipe nationale de foot d'Espagne, dite «la Rouge» (la Roja)
(8) région espagnole de Tolède et de Cuenca, où Cervantes a situé les aventures de Don Quichotte
Nos gustan los deportes y animamos igualmente a Nadal, Ferrer, Lorenzo, Alonso, al Barça, al Español y a la Selección, y nos da igual si el gol lo mete un catalán o un manchego cuando competimos por la copa de Europa o el Mundial. Y por respeto no pitamos el himno de España, ni ningún otro.

Nous avons assez du «processus» (*) et de la politicaillerie en général avec tant de mensonges. Nous votons pour le moins pire ou par élimination.
(*) en catalan de le texte: «el procés». Ce terme est utilisé par les politiciens nationalistes catalans et par les journalistes espagnols pour désigner le chemin suivi par le gouvernement de Catalogne, dirigé par les nationalistes, et censé mener à l'indépendance.
Estamos hartos del 'procés' y del politiqueo en general con tanta mentira. Votamos al menos malo o por descarte.

Nous exécrons ceux qui incitent aux phobies entre les territoires, quelle que soit leur couleur, d'ici où de n'importe où ailleurs, pour gagner quelques voix, maintenir la fainéantise et continuer à profiter de la bonne soupe sur le dos de tout le monde.

Aborrecemos a quienes fomentan las fobias entre territorios, sean del color que sean, de aquí o de cualquier otro sitio, para ganar cuatro votos, mantener la poltrona y seguir llevándose el caldo calentito a cuenta de todos.

Nous ne croyons pas que l'indépendance soit la solution à tous nos problèmes: nous ne sommes pas si naïfs; nous estimons que la politique de confrontation et ses leaders font justement partie du problème.

No creemos que la independencia sea la solución a todos nuestros problemas: no somos tan ingenuos; consideramos que la política de confrontación y sus líderes son precisamente parte del problema.

Pourquoi la situation est-elle aussi crispée? Est-ce que tout le monde ne devrait pas travailler ensemble pour nous sortir de cette crise, laisser les histoires de côté, et ne pas nous confronter les uns contre les autres? Je crois que beaucoup de personnes le pensent, mais on ne nous voit pas et on ne nous écoute pas: nous sommes «les Autres». Et malgré qu'ils connaissent notre existence, ils nous ignorent parce que nous ne pensons pas comme eux.

¿Por qué está todo tan crispado? ¿No tendrían que trabajar todos para sacarnos de esta crisis, dejarse de historias y no confrontarnos unos con otros? Creo que muchos pensamos así, pero no se nos ve ni se nos oye: somos 'los Otros'. Y aunque saben que estamos nos ignoran por no pensar como ellos.

Après le prochain échec du 1er octobre (*), il y aura de nouvelles élections régionales. Informez tous ceux qui font partie des «Autres», vos connaissances, les indécis, ceux qui pensent que cela ne leur convient pas, que de notre vote à ces futures élections régionales dépend que la Catalogne (**) continue à être le fief de quelques-uns qui basent leur discours sur la haine envers les autres peuples d'Espagne (***), en endoctrinant nos enfants dans les écoles et en diffusant de la propagande et des mensonges dans les chaînes régionales (*4) et les autres médias achetés par des subventions payées avec notre argent (*5). Nous exigeons que les constitutionnalistes (*6) le soient par delà l'intérêt de leurs partis.
(*) 1er octobre 2017: date fixée par le gouvernement nationaliste de Catalogne pour un référendum unilatéral d'autodétermination, jugé illégal par les tribunaux espagnols et par les Catalans non nationalistes (qui refusent dont d'y participer).
(**) l'auteur écrit «Catalunya» en catalan, au lieu de «Cataluña» en espagnol. Cette différence de convention orthographique ne change ni le sens ni la prononciation, mais cette orthographe est fréquente chez les nationalistes catalans; ici, elle souligne simplement l'appartenance de l'auteur à la Catalogne.
(***) parler des «autres peuples d'Espagne» est une dénonciation implicite des nationalistes catalans qui affirment, arbitrairement, que les Catalans seraient «un peuple» tandis que les habitants des autres régions d'Espagne ne seraient pas «des peuples».
(*4) la Région de Catalogne possède des chaînes de télévision (dont TV3) et une chaîne de radio (Catalunya Ràdio), ce qui lui offre des tribunes politiques exceptionnelles.
(*5) la Région de Catalogne distribue des subventions aux éditeurs de livres et de presse en catalan, officiellement au titre de la protection de la langue catalane (comme si elle était menacée), ce qui lui permet de contrôler le contenu des publications.
(*6) les politiciens favorables au respect de la Constitution espagnole et donc à l'unité du pays: l'auteur les appelle à mettre en sourdine leurs disputes au moment où les nationalistes catalans mettent en péril l'unité de l'Espagne et la paix sociale en Catalogne.
Tras el próximo fracaso del 1 de octubre habrá nuevas elecciones autonómicas. Informad a todos los que formamos parte de 'los Otros', a vuestros conocidos, a los indecisos, a los que piensan que esto no va con ellos, que de nuestro voto en las citadas futuras elecciones autonómicas depende que Catalunya siga siendo feudo de unos cuantos que basan su discurso en el odio a los demás pueblos de España, adoctrinando en las escuelas a nuestros niños y difundiendo propaganda y mentiras en los canales autonómicos y en los otros medios comprados con subvenciones pagadas con nuestro dinero. Exijamos que los constitucionalistas lo sean por encima de los intereses de sus partidos.

Nous allons démontrer à ceux qui mènent le «processus» que nous sommes évidemment catalans et espagnols. Nous allons leur démontrer que nous n'avons pas cru le vil mensonge de «L'Espagne nous vole» (*) quand les seuls qui nous volaient étaient eux-mêmes (**): nos ressources, notre argent, notre fierté et notre dignité en tentant vainement de nous faire nous sentir inférieure et de deuxième classe. Nous allons le dire, à eux et au monde, qu'il y en a assez des preuves de haine, d'intransigeances et de menaces de sanctions pour quiconque ne collabore pas ou ne pense pas comme eux. Nous allons freiner cette aventure qui ne nous a apporté et ne nous apportera que plus de pauvreté économique et culturelle et une crise plus grave malgré qu'ils nous promettent le paradis.
(*) en catalan dans le texte: «Espanya ens roba». Slogan des nationalistes catalans se plaignant que la Catalogne, plus riche que la moyenne de l'Espagne, contribue plus fortement au budget national. Cet argument est contestable car la Catalogne bénéficie de beaucoup d'investissements nationaux, ses banques ont été renflouées par tous les contribuables espagnols, et la Région est fortement endettée et soutenue financièrement par le gouvernement espagnol.
(**) en particulier Jordi Pujol, président de la Catalogne de 1980 à 2003, et qui a avoué avoir caché en Andorre plusieurs millions d'euros, au sein d'un vaste système de corruption familiale. Le parti qu'il dirigeait, Convergència i Uniò (CiU), de droite nationaliste, a explosé suite à ces révélations, ses deux membres «Convergence» et «Union» mettant fin à leur association.
Vamos a demostrar a quienes lideran el 'procés' que en el mundo somos catalanes y españoles. Vamos a demostrarles que no nos hemos creído la vil mentira de que "Espanya ens roba" cuando los únicos que nos han estado robando son ellos: nuestros recursos, nuestro dinero, nuestro orgullo y nuestra dignidad, intentando vanamente hacernos sentir inferiores y de segunda. Vamos a decirle a ellos y al mundo que ya basta de muestras de odio, intransigencias y amenazas de sanciones para quien no colabora o piensa como ellos. Vamos a frenar esta aventura que solo nos ha traído y traerá más pobreza económica e intelectual y más crisis a pesar de que nos prometen el paraiso.

Parce que nous aimons la Catalogne, parce que nous aimons l'Espagne, parce que nous voulons continuer à être européens (*), vive la Catalogne!
(*) alors que Jordi Pujol comptait sur l'Europe pour devenir indépendant de l'Espagne au sein d'une «Europe des Nations», l'Union Européenne (UE) a compris le danger des indépendantismes pouvant mener à des guerres civiles ou déjà à une Europe ingouvernable car constituée de 500 micro-États. L'UE a clairement indiqué qu'une Catalogne indépendante serait hors de l'UE et ne pourrait y adhérer qu'en suivant le processus de candidature et à condition que l'Espagne ne s'y oppose pas (une hypothèse peu crédible). Une partie des nationalistes catalans s'est alors déclarée anti-européenne (en plus d'être anti-espagnole et anti-française), alors que les Catalans, comme tous les Espagnols, sont extrêmement pro-européens.
Porque amamos Catalunya, porque amamos España, porque queremos seguir siendo europeos, ¡viva Catalunya!


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