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Le populisme, c'est quoi?

Beaucoup de politiciens et de partis politiques sont accusés, par leurs adversaires ou par des commentateurs, d'être «populistes». On ne comprend pas toujours ce que signifie cette accusation, souvent exprimée à tort et à travers. Cette page propose une définition du «populisme», donne des exemples, et discute de la légitimité ou du danger de ce positionnement.

Une définition du populisme

On pourrait certainement choisir bien d'autres définitions, mais je propose d'appeler «populiste» tout mouvement ou politicien qui se base sur «nous» contre «eux», c'est-à-dire qui affirme principalement qu'il représente et défend «le peuple», c'est-à-dire la majorité de la population, face à une (ou plusieurs) minorité, accusée d'accaparer ou de manipuler le pouvoir de façon illégitime, et d'être à l'origine de la majorité des problèmes, réels, futurs ou imaginaires, affectant la population ou le territoire.

C'est une définition simple, qui repose sur le type de discours, et non sur la nature de la politique menée en cas d'arrivée au pouvoir, et moins encore sur l'opinion intime des politiciens. Un parti ou un politicien peut devenir «populiste» alors qu'il ne l'était pas précédemment, sans que ses opinions n'aient changées, simplement parce qu'il a changé de stratégie et décidé d'adopter ce type de discours.

Exemple de slogan témoignant d'un positionnement populiste, en Roumanie:

Leul tău
                face mai mult decât milioanele lor!
Traduction: «Ton centime fait plus que leurs millions»

Ce slogan était affiché sur un appel aux dons du jeune parti roumain AUR(*) (Alianța pentru Unirea Românilor – Alliance pour l'unité des Roumains), en décembre 2020.
(*) «aur» est également l'or, métal précieux dont la Roumanie possède des gisements.

Même sans connaître les positions de ce parti (qui est nationaliste, conservateur, et partisan de l'unification entre la Roumanie et la République de Moldavie), ce simple message illustre l'affirmation que le parti représente la majorité du peuple (le très faible montant du don est compensé par le très grand nombre de soutiens) face aux ennemis («eux»), peu nombreux mais scandaleusement riches.

Comme souvent, l'ennemi, «eux», n'est pas directement spécifié, ce qui permet à chacun d'y voir ses ennemis préférés. Dans cet exemple, c'est bien pratique car si le parti désigne bien certains de ses ennemis (comme l'Union Européenne et les homosexuels), il ne se prononce pas sur la Russie, que certains de ses électeurs voient comme l'ennemi juré (la Russie occupe militairement une partie de la République de Moldavie (la Transnistrie), qui constitue une menace vitale pour la Roumanie, et qui s'opposerait militairement à toute tentative d'unification entre la Roumanie et la République de Moldavie), mais qui est également l'allié fidèle de tout mouvement hostile à l'UE et à l'OTAN, a fortiori quand il est ultra-religieux (et orthodoxe).

NB: ce texte écrit début 2021 fait référence au positionnement de AUR à cette époque, sans présager de leur évolution ultérieure.

Oui, il existe des partis non populistes

Dans une démocratie avec suffrage universel (où chaque citoyen peut voter, contrairement au «suffrage censitaire», où seuls les plus riches peuvent voter), il est très rare qu'un politicien n'affirme pas représenter «le peuple», si du moins il cherche à conquérir le pouvoir. Pourtant tous les partis ne sont pas populistes (sinon, le terme aurait bien peu d'utilité).

NB: il y a aussi des partis qui ne prétendent pas représenter tout le peuple, mais qui se limitent à une idée précise (par exemple interdire l'élevage), ou sur une clientèle électorale précise (par exemple les chasseurs ou les musulmans): ils ne peuvent pas être majoritaires, mais ils peuvent donner une visibilité à leur projet, participer à des coalitions, ou simplement bénéficier du financement public aux partis politiques.

Un politicien qui affirme représenter «le peuple» n'est pourtant généralement pas «populiste», car c'est bien l'ensemble de la société qu'il prétend représenter, sans exclure aucun groupe déterminé. Bien sûr qu'il accuse certaines personnes, mais de façon ponctuelle (ses opposants politiques, les criminels, les fraudeurs fiscaux, etc), mais il n'attaque pas un pan entier de la société. S'il dénonce éventuellement une déviance dans un groupe social (par exemple l'oisiveté des jeunes), il affirme qu'il saura mettre fin à cette déviance pour réintégrer ce groupe dans la société (par exemple en redonnant le goût du travail aux jeunes).

Je ne parle ici que du discours: un politicien peut parfaitement tenir un discours non populiste, et finalement arriver au pouvoir en agissant contre un pan entier de la société (les femmes, les homosexuels, les immigrés), ou au profit exclusif du clan qui l'a soutenu (par exemple le patronat ou une religion).

Le risque dictatorial

Tous les dictateurs ne sont bien sûr pas des populistes: en fait, la plupart des pouvoirs ont des tentations dictatoriales, et se heurtent heureusement aux garde-fous prévus par la loi, la Constitution et les tribunaux, et à la réaction de la société (dont les médias, les associations, les syndicats, etc).

En France, où le pouvoir du Président est incroyablement étendu pour une démocratie, les exemples ne manquent pas: Emmanuel Macron a des manières clairement autocratiques (je décide seul, en ignorant le Parlement, les syndicats, les associations, et les oppositions) et autoritaires (je demande de lourdes sanctions contre les mécontents, par exemple les militants écologistes), pour autant il dénonce très rarement un pan de la société comme étant à l'origine des maux du pays.

Mais le discours populiste est particulièrement dangereux pour la démocratie: historiquement, il est arrivé à de nombreuses occasions que le groupe «ennemi du peuple» soit progressivement privé de ses droits, de même que les personnes qui soutiennent ces «ennemis du peuple». Plus la politique d'exclusion des «ennemis» échoue (car la politique de haine aboutit rarement à la prospérité et à la sécurité), plus le pouvoir affirme que ses «ennemis» sont responsables de son échec et qu'ils doivent être attaqués encore plus durement. Dans un premier temps on commence par nier l'humanité du groupe des «ennemis du peuple» en les désignant par «ça» au lieu de «eux» et en interdisant toute empathie avec les drames dont ils souffrent (par exemple si des immigrés meurent en mer), puis on arrive à des issues tragiques: privation de droits essentiels (travail, logement, alimentation) et régimes de type apartheid, incarcérations sans cause sérieuse, création de ghettos, déportations, jusqu'à l'extermination.

Un autre danger majeur des pouvoirs populistes est que, prétendant représenter directement «le peuple», ils s'attaquent à tous les contre-pouvoirs, ou «corps intermédiaires», accusés de s'opposer au «pouvoir du peuple»: syndicats, médias, associations, partis politiques, parlementaires et élus locaux. Les contre-pouvoirs supra-nationaux sont également systématiquement attaqués: ONU et organismes onusiens, Union Européenne, Cour Européenne des Droits de l'Homme (la CEDH ne dépend pas de l'UE, mais l'UE en est membre). Or ces contre-pouvoirs sont indispensables pour protéger la démocratie. Les populistes ne jurent que par les outils de décision directe par le peuple, tels que les référendums, les plébiscites (référendums pour ou contre le dirigeant en place), ou encore divers comités de simples citoyens: or ces outils ne sont pas suffisants pour contrôler un gouvernement, car le pouvoir des citoyens est impuissant s'il n'est pas structuré de façon assez puissante pour affronter le pouvoir de l'État. Les discours vantent souvent l'horizontalité, mais en réalité seuls les contre-pouvoirs et les citoyens de base sont écrasés, ce qui permet au chef suprême de se maintenir seul à l'abri de tout contre-pouvoir.

Cette logique se voit particulièrement chez la France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, parti organisé de façon présentée comme «horizontale», c'est-à-dire que personne n'a le droit de rien dire (officiellement, il n'y a même pas d'adhérents, donc pas d'élections internes, pas de congrès, ni aucune autre forme de démocratie interne) et que le grand chef est seul maître à bord.

On a pu constater un phénomène proche chez les Gilets Jaunes, avec l'interdiction de tout représentant, au nom de «le peuple décidera avec le Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC)». Or un «RIC» ne peut aboutir que s'il est soutenu par une organisation puissante, par exemple un média de masse. Ainsi les Gilets Jaunes sont-ils devenus une structure dictatoriale où chaque participant n'a aucun pouvoir, prête à en découdre physiquement avec ses adversaires, et dirigée en pratique par les trolls russes (comme Russia Today) et d'autres groupes complotistes (comme les antivax), par CNews, par LFI, et par le FN (dans les régions où il a su les infiltrer).

Mais les partis populistes ne finissent pas tous par commettre des génocides: certains s'adoucissent une fois au pouvoir. Par exemple parmi ceux qui prétendent combattre «les riches» au nom du «peuple», il y a parfois eu des actes odieux, comme au Venezuela sous Chávez et Maduro, mais surtout en URSS où des millions de paysans ukrainiens ont été volontairement affamés sur ordre de Staline en 1932-1933. Mais d'autres finissent par transiger avec les «riches» honnis, comme en Grèce: l'alliance d'extrême-gauche anti-système SYRIZA a finalement appliqué une très classique politique de centre-gauche et de négociation avec les créanciers du pays, après s'être débarrassée de la tendance plus radicale représentée par Yánis Varoufákis.

Le populisme, justifié dans certains cas? Pas exactement!

Il y a des cas où le peuple est effectivement opprimé par une minorité qui n'a aucune légitimité, et on comprend bien que des politiciens veuillent s'y attaquer. Mais même dans ce cas, il y a une différence entre remettre à sa place une minorité qui avait accaparé le pouvoir, et la désigner comme un ennemi à abattre. Et donc, il n'est pas nécessaire d'être populiste, même dans ce cas.

En Afrique du Sud, l'ANC (African National Congress – Congrès national africain) de Nelson Mandela a défendu les noirs, majoritaires dans le pays, face au régime raciste de l'apartheid dans lequel les citoyens classés «blancs» vivaient en liberté tandis que les autres étaient de privés de plus en plus de libertés selon qu'ils étaient classés, dans cet ordre, «asiatiques», «métis» (en anglais: “coloured”) ou «noirs». Or les «noirs» étaient majoritaires, et accessoirement occupants historiques du pays. Le discours d'une minorité accaparant indûment le pouvoir et les richesses était donc ici la réalité objective.

Dès le départ, Nelson Mandela n'a pas eu pour but d'éliminer ou d'expulser l'élite blanche (présente depuis bien trop longtemps pour que ce soit un objectif réaliste ou souhaitable), car l'objectif était de créer un pays dans lequel tous les citoyens auraient les mêmes droits, et notamment le droit de vote, quelle que soit leur couleur de peau corporelle ou administrative. Son idéal de «nation arc-en-ciel» était tout le contraire d'un discours populiste.

C'est probablement cette absence de populisme qui a permis à l'ANC, d'une part de convaincre quelques rares «blancs» d'accepter une réforme du régime raciste de l'apartheid (en particulier Frederik de Klerk, le dernier président de la période raciste), et d'autre part d'éviter un drame social ou économique après la fin de l'apartheid. Les inégalités n'ont pas disparu (pour cela, il ne suffit pas de donner des droits, mais il aurait fallu une politique volontariste), le pays est très dangereux, et le slogan de la «nation arc-en-ciel» ressemble à un simple slogan, mais la réforme a tout de même été un succès si on compare à d'autres pays.

En effet, la situation est différente au Zimbabwe (ex-Rhodésie du Sud), où Robert Mugabe a lui aussi défendu le peuple majoritaire, noir et opprimé, face au gouvernement blanc et colonial. Il se revendiquait du mouvement socialiste, défendant le peuple travailleur face à l'élite possédante et non productive.

Mugabe est une illustration des dangers du populisme, malgré que la lutte contre le colonialisme et pour les droits des noirs était légitime. Mugabe a attisé la haine contre les blancs, notamment les agriculteurs qui ont dû fuir s'ils le pouvaient, et contre d'autres élites (et tant qu'à faire, également contre les homosexuels). Se proclamant seul représentant du peuple, il a interdit les autres partis et supprimé la liberté de la presse. Il a également violemment réprimé des populations pauvres, pour la seule raison qu'elles ne lui étaient pas favorables. Le résultat a été une mise au ban du pays, et une crise économique hors du commun, car les fermes et autres moyens de production qui étaient gérés par des blancs ont été confiés à des responsables incompétents. Voici où mène le populisme s'il arrive au pouvoir.

Des exemples de mouvements populistes

La Ligue du Nord était clairement populiste, puisque son discours consistait à dénoncer le «sud» de l'Italie (terme qui incluait en particulier Rome), accusé d'être moins productif et de vivre aux dépens des impôts payés par les habitants et entreprises de la «Padanie», et de diriger la Padanie depuis la capitale italienne, Rome.

Le discours reste donc totalement populiste, puisqu'il affirme défendre la majorité des vrais Italiens face au pouvoir accaparé par l'Europe, aux dangers supposés des immigrés, et à toutes sortes de mouvements progressistes. Seule l'identité des «ennemis du peuple» a changé. C'est l'illustration de la tendance des partis populistes à changer totalement de discours sur les sujets les plus importants (ici, la sécession de l'Italie du Nord, ou au contraire l'unité de l'Italie), car le véritable fond de leur discours est un message de haine.

Il faut signaler que le discours indique une stratégie électorale mais ne correspond pas forcément à la volonté profonde du parti ou à ses intérêts profonds. Ainsi, le changement de discours de la Lega n'a pas fait disparaître sa proximité avec le patronat industriel du nord de l'Italie, et sa véritable priorité serait certainement toujours de réduire les impôts pesant sur l'industrie.

Mais le programme du FN/RN est donc inconsistant, car il est flou ou variable sur la plupart des sujets. Par exemple les juifs étaient des ennemis mais désormais Israël est admirée pour sa guerre contre les arabes (par contre le «banquier juif» reste un ennemi du peuple et la cible d'attaques complotistes), la Russie était l'ennemi juré mais c'est devenu le soutien du parti (même si elle est présidée par un ancien du KGB soviétique),...

Ce qui fait du FN/RN un mouvement exclusivement populiste, c'est qu'il n'a pas de position sur les sujets ne se résumant pas à la dénonciation d'un ennemi. Malgré les débats qui agitent le pays, le parti ne prend jamais position sur les retraites (faut-il augmenter les retraites et donc les cotisations ou les impôts, ou bien réduire les impôts et les cotisations sociales mais donc également les retraites?), ni sur la Sécurité Sociale, ni sur les mesures de prévention contre le Covid au moment où la question se posait de façon urgente (faut-il renforcer les mesures pour se protéger, ou au contraire laisser la liberté à chaque citoyen, faut-il développer ou non la vaccination,...?). Cette absence de position ne signifie pas forcément que les dirigeants du partis soient incompétents ou sans opinion, mais juste qu'ils veulent attirer des électeurs ayant des intérêts absolument divergents (par exemple des employés et des patrons), et utiliser la haine des «ennemis du peuple» comme élément fédérateur et comme paravent pour masquer l'absence de programme réel.

Cette absence de programme est parfois payante, mais elle a provoqué le naufrage de Marine Le Pen lors du débat télévisé avec Emmanuel Macron, le 3 mai 2017, car Mme Le Pen avait imprudemment annoncé qu'elle ferait sortir la France de l'euro pour réduire la dette grâce à la dévaluation monétaire et ainsi rétablir la compétitivité du pays. Mais ne voulant pas assumer qu'une telle décision revenait à dévaloriser aussi les actifs des épargnants (dont elle attend également les voix), elle a sombré dans le ridicule et l'incohérence.

Le populisme, une stratégie politique récente?

Les exemples donnés plus haut montrent bien que le populisme existe depuis de nombreuses décennies.

Pourtant, force est de constater que des politiciens qui suivent cette stratégie apparaissent un peu partout dans le monde, et amènent à se demander s'il y a une raison actuelle qui favorise de type de mouvements.

Une raison est probablement la disparition, ou l'affaiblissement, de nombreux corps intermédiaires, qui aident souvent à structurer la mobilisation des citoyens. Les raisons sont nombreuses, notamment l'informatisation et l'ubérisation du travail (qui isolent les travailleurs au lieu de les réunir dans un syndicat), ou les difficultés de la presse (rachetée par des propriétaires peu intéressés par l'intérêt général, et concurrencée par des sources d'information sur internet, peu fiables mais gratuites). D'une manière générale, les personnes sont plus seules qu'avant, que ce soit au travail, dans la vie privée, mais également dans l'action politique, ce qui affaiblit les corps intermédiaires et favorise les messages simples de rejet, ainsi que l'adhésion à des thèses conspirationnistes.

Si on observe l'influence russe en France, qui existe depuis plus d'un siècle, on constate l'évolution drastique des techniques. Longtemps, cette stratégie était lente et ancrée sur des structures organisées localement et des personnes identifiées: il y avait un parti et un syndicat (le PCF et la CGT), des intellectuels recrutés et convaincus par les mises en scène qu'on leur montrait en URSS, des maisons d'édition, des clubs sportifs, etc... Et les défections n'étaient pas rares. Aujourd'hui, c'est directement depuis Saint-Pétersbourg que les trolls sont lancés sur Facebook et Twitter, une personne peut être lancée sur la scène publique avec très peu de soutiens et relais locaux, elle peut donc facilement se revendiquer «hors système», et rejeter l'ensemble des corps intermédiaires et des contre-pouvoirs, qu'elle classera parmi ses «ennemis du peuple» (qui s'opposent au «vrai peuple»: celui qui va voter pour elle).

Le risque d'effondrement de la démocratie

Les populistes ne peuvent pas toujours arriver au pouvoir (même si ça arrive: Trump, Bolsonaro, et bien d'autres), car ils sont divisés et défendent des positions souvent divergentes.

Mais le risque le plus immédiat est qu'ils se renforcent mutuellement, en dénigrant les mêmes ennemis, c'est-à-dire bien sûr le pouvoir, mais aussi et surtout les contre-pouvoirs, à commencer par la presse (qui diffuse d'autres messages que le leur), les juges (surtout les tribunaux constitutionnels, les cours suprêmes, et équivalents), les scientifiques (dans le domaine de la médecine ou de l'environnement), les syndicats, les associations, et bien d'autres encore. En cas de soutien par une puissance étrangère (par exemple russe), ils partageront aussi des messages géopolitiques, comme la dénonciation de l'Union Européenne, de l'OTAN et plus généralement de l'alliance avec les Américains, et de l'Ukraine.

Ainsi, même s'ils n'arrivent pas au pouvoir, ils peuvent créer la zizanie et le doute, et pousser la population à rejeter ce qui fait sa force: la démocratie basée sur l'existence de contre-pouvoirs, et la solidarité avec les démocraties voisines. Au bénéfice des dictateurs qui soutiennent ces populistes (financièrement, ou en propageant leur discours au moyen de trolls sur les réseaux sociaux).

Chaque coin enfoncé dans le bon sens casse une barrière qui facilite la croyance à des théories encore plus extravagantes, et l'épidémie de complotisme n'est évidemment pas indépendante de la multiplication des partis populistes.

Bien souvent, le complotisme démarre par la croyance dans une pseudo-médecine. Car si notre médecin de famille, à qui nous faisons toute confiance, prescrit des «médicaments homéopathiques», alors que la science a démontré leur inefficacité à chaque fois qu'ils ont été testés, c'est bien la preuve que la science a ses limites. Et donc on peut aussi croire que l'acupuncture est efficace grâce aux «méridiens», qu'on cherche pourtant en vain depuis des siècles (et alors qu'on a démontré que piquer à côté du «médirien», ou faire une fausse piqûre avec une aiguille téléscopique, a exactement le même effet que la «vraie» acupuncture). On ira se faire soigner chez un «naturopathe» qui contredira tout ce qu'on pouvait comprendre de la médecine, et chez un ostéopathe qui pratiquera du «magnétisme» et qui se gardera de dire quel est le rôle exact de ses manipulations. De là, on va aisément croire que les nouveaux vaccins sont dangereux même si les études cliniques démontrent le contraire (on évite de le croire pour les anciens vaccins, car à l'évidence on y a survécu). Puis on inscrit les enfants à l'école Steiner (dépendant de la secte de l'anthroposophie), à moins qu'on les retire de l'école car «la société ne cherche qu'à les pervertir». Au final, on s'isole de toute la société (y compris de ses proches) et on s'enferme dans une secte.

Le même phénomène se produit avec le populisme, où tous les mouvements sont d'accord, malgré leurs immenses divergences, sur un corpus de mensonges: les députés sont tous pédophiles, le gouvernement utilise les vaccins et la 5G pour manipuler nos cerveaux, Poutine est grand défenseur de son peuple contre la menace de l'impérialiste occidental, etc. Dès lors, un dictateur peut assez facilement arriver au pouvoir, car les électeurs devenus populistes ont fait sécession et ne vont plus voter que pour des populistes, peu importe de quel bord, comme on l'a vu aux Antilles françaises à la présidentielle de 2022 (les électeurs ont voté massivement pour LFI au 1er tour, et massivement pour le FN au 2e tour, sans se préoccuper que l'un soit d'extrême-gauche et l'autre d'extrême-droite, ni que le FN soit raciste et haïsse les noirs).

Ainsi, les élections italiennes de 2022 ont vu un résultat très fragmenté, mais avec une coalition victorieuse d'extrême-droite (dirigée par une néofasciste admiratrice de Mussolini), et surtout avec plus de 50% d'électeurs ayant voté pour l'un des partis populistes: certes leurs positions sont très disparates (les uns sont atlantistes, d'autres sont poutiniens), mais ils partagent le complotisme et l'hostilité au fonctionnement normal de la démocratie.

Conclusion

Je vous ai proposé une définition du populisme, en espérant avoir montré que ce terme n'est pas uniquement une accusation gratuite, mais bien une réalité très dangereuse pour notre démocratie.


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